Un éditorial de Sylvain Lavallée, publié sur le site web de la revue Séquences, émane, sous une critique des pratiques culturelles actuelles, cyniques et individualisées, d’une nostalgie appuyée de l’adoration mystique qu’ont porté, à une époque lointaine, déjà, les spectateurs pour les grandes stars du cinéma hollywoodien. Dans deux articles qu’il cite - ici et ici -, publiés dans le Guardian il y a deux ans, et dans son propre texte, il apparaît que le cinéma s’est trouvé à l’époque comme dernière incarnation de culte de masse, avant d’être à son tour recalé, limité à son rôle divertissant, à son usage privé, individuel.
“From the blurring of religious absolutes and the gradual unfolding of democracy, we came - with uncanny simultaneity - to the dawning of mass society. Once upon a time, gods and princes had taken the best of life and the limelight. But by about 1900, all over the world, enormous inchoate masses were looking for education, their right of opinion and speech, the vote - and a chance at happiness.”
“We do not like our stars - but we don't like ourselves so much. We may be far better off than our families were in 1950 or 1930 or 1900, but we do not trust the happiness on offer now. One reason for that is the bogusness in acting and the way it has reached down though the movies and television to affect all our behaviour. We are all actors now, very skilled with lying, pretending and putting on a sincere show. But that has cut us off from the unquestioned and natural integrity with which people and their feelings grew up in harmony. So stars get trashed and reviled in the press - but that is only a prediction of our self-loathing. You say stardom is dying, but perhaps it is our culture.” - David Thomson -
L’obsession, toute humaine, pour la vérité, et la prétention de son autorité suprême, n’arrive pas, de nos jours, à s’exprimer autrement qu’en opposition à ce qui ne paraît pas réel, ou qui prétendrait faussement être vrai. Mais ne serait-ce pas notre plus grand mensonge que de prétendre que le réel est totalement accessible et qu’il est possible d’en faire notre maître, notre sujet d’adoration? La manifestation consciente d’une invention de l’esprit est plus sincère que la prétention pour un réel concret.
"Il ne faut pas jouer des traits au cinéma, il faut en avoir, et les stars en ont amplement : elles sont des archétypes, elles interprètent toujours un personnage qui s’exprime naturellement de par leurs profils même, de par leurs yeux, leurs visages, leurs silhouettes, etc." - Sylvain Lavallée -
Le malaise face au cinéma, et face à ses stars, provient sûrement de son rapport trop ambigu au réel. Les images photographiques animées suggèrent avec force être une manifestation du réel, sans jamais en être une. Le cinéma est une des formes de représentations qui a permis d’atteindre un rapport des plus rapprochés avec le réel, devenant ainsi un médium illustrant et outillant le mieux l’usage quotidien et essentiel de l’illusion. Ce malaise donc, prend sans doute source d’une approche erronée du cinéma. Il ne s’agit pas d’une manifestation du réel mais bien d’une manifestation du fictionnel, de l’invention humaine, dans le réel. Qu’y a-t-il de plus réel et sincère qu’une star de cinéma – en gros plan, toujours le même cadre, le même éclairage, le même maquillage, la même expression – qui se met en scène consciemment et sans détour, devant la caméra et pour les spectateurs qui observeront son image sur le grand écran d’une salle obscure?
" Dans ce domaine de la culture, des temps lointains entraineront de nouveaux progrès dont on ne peut vraisemblablement pas se représenter l’ampleur, augmentant encore plus la ressemblance avec Dieu. Mais dans l’intérêt de notre investigation, nous n’oublierons pas non plus que l’homme d’aujourd’hui ne se sent pas heureux dans sa ressemblance avec Dieu. "
Sigmund Freud - Le malaise dans la culture