6.14.2010

Notes de projection – A Soldier’s prayer / 13.6.10

Je connais Claude R. Blouin de deux sources.

Il a présenté la projection, il y a un mois, d’un autre film de Kobayashi – Hymn to a Tired Man. Il paraissait d’abord surexcité par le film, le réalisateur et cette projection, au point de donner l’impression de perdre de vue la direction que prenait son allocution. Il s’avéra en bout de présentation qu’il avait tout prévu, même les détours, peut-être même les emportements critiques et émotifs, et qu’il était admirablement doué pour traiter de ce sujet.

Claude R. Blouin a aussi été un chargé de cours – cinéma japonais - à l’Université de Montréal, auquel a assisté D., professeur de cinéma au Collège Ahuntsic. Ce dernier racontait, à qui voulait bien l’entendre, à quel point ce cours avait été déterminant pour la perception qu’il a du septième art – lui qui ne jurait que par les films de kung-fu et de samurais à cette époque avait trouver quelqu’un pour lui en révéler les tangentes qui lui permettraient de découvrir diverses facettes de la cinématographie japonaise et d’autres cinémas.

Dimanche dernier, M. Blouin présentait A Soldier’s Prayer, toujours de Masaki Kobayashi. Sa présentation prenait un peu les allures d’un rapport de projection – ce qui s’expliquait par le cadre de la série dans laquelle était présenté le film : Flashback sur le Festival International de Film de Montréal. Le choix du film de Kobayashi, troisième opus d’une trilogie se voulant un œuvre entière et indivisible selon la volonté de son auteur – scission que certains ont critiqué – était plutôt lié à une projection montréalaise légendaire, lors du festival en question. Il nous fît alors, au fil de son discours, un résumé des deux films précédents ce dernier volet,: « … résumé que [] avait pris la peine, à l’époque, de faire devant le public, pour assurer le meilleure compréhension possible de chacun ». Mais l’intérêt principal de sa présentation est le récit qui suit, celui de la légende qui lia Kobayashi au public cinéphile de Montréal.

Blouin avait 16 ou 17 ans à l’époque d’une des premières projections hors du Japon de ce film de Kobayashi. Ce fût une séance nocturne. Le film d’un peu plus de trois heures débuta à minuit et se termina donc aux petites heures du matin. Le jeune homme n’eut pas la chance d’assister à cet événement, mais il en entendit parler, et en entend toujours parler aujourd’hui. C’est dire combien cette soirée de cinéma eu de l’effet, à travers le temps. Au grand malheur de Blouin, son jeune âge l’empêcha de sortir aussi tard. On lui raconta par contre quelle soirée ce fût! Pas un seul spectateur ne sortit de la salle et Kobayashi eu droit à l’ovation générale en fin de projection. Un article que Blouin n’avait jamais lu jusqu’à tout récemment – ce qui est tout à fait étonnant de la part de l’incroyable expert en la matière qu’il est devenu – détaillait le nombre des spectateurs à plus de 1500, nombre inusité pour l’heure tardive de l’événement. Le FIFM était à l’époque d’une importance capitale pour les cinéphiles québécois. Les différentes éditions de l’événement leur permettaient enfin de voir des films nouveaux, renouvelants les perspectives possibles sur le cinéma. Le but d’un tel festival était aussi, et surtout, de convaincre les distributeurs locaux de la viabilité d’une diffusion de films d’auteurs étrangers, au Québec. Cette projection de A Soldier’s Prayer ne manqua pas de convaincre. Blouin pu finalement voir ce film six mois plus tard, commercialement distribué à Montréal.

Au-delà de cette expérience nocturne, condition si chérie par les cinéphiles, c’est la sortie du théâtre qui causa le plus grand émoi, qui marqua le plus fortement les mémoires. Blouin lui-même semblait en avoir des frissons, devant les spectateurs de la Cinémathèque québécoise, lui qui n’y avait même pas été. Kobayashi lui-même en parla en tout premier lieu à Blouin lorsqu’il le rencontra une première fois lors d’une entrevue pour ses études sur son œuvre. Plus que l’accueil extraordinaire qu’il avait obtenu alors – lui qui avait mit jusqu’à se vie conjugale en péril pour mener à terme ce projet presque autobiographique -, c’est le moment où, en quittant le cinéma, il aperçu les rues de Montréal, qui l’a imprégné d’un profond attachement avec cette ville. Alors que tous venaient d’assister à la mort lente de Kaji, héro de la trilogie, affaissé, couvert de neige, les spectateurs sortirent sous une neige nouvelle, qui s’était mise à tomber durant la projection.

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