11.27.2009

Initiative


“Par ailleurs, le président d'Alliance Vivafilm [Patrick Roy] a annoncé son intention de créer un programme de stage en distribution de films à l'intention des étudiants en cinéma, communication et marketing des universités. Il souhaite aussi mettre sur pied un programme de diffusion de films québécois dans les institutions scolaires.”


Cyberpresse . Marie-Claude Girard . 27.11.9 . Article entier .

C’est le genre d’initiatives qui pourrait permettre au marché et aux systèmes de diffusions du cinéma au Québec et de films québécois de trouver des formes qui conviennent mieux à leurs spécificités – public réduit, résolument tourné vers des intérêts différents que ceux du public général du cinéma américain. Il semble être si difficile aux producteurs, distributeurs et diffuseurs québécois de se détacher du modèle américain. Pressions économiques sûrement. Un petit manque d’initiative peut-être.

Patrick Roy parle aussi de projections tests et de script-doctors… se tourner vers le public visé – reconsidérer des méthodes empruntées qui ne sont peut-être pas les plus convenables – semble être une bonne direction à prendre. Et pourquoi pas y voir un premier pas à l’aveugle, tout à fait inconscient, vers un résultat beaucoup plus poussé : une idée d’interactivité, une expérience redéfinie…

11.17.2009

Crise de la diffusion du cinéma: la solution de Jon Reiss

Jon Reiss, après avoir eu beaucoup de difficultés à vendre son documentaire Bomb It et avoir été complètement désillusionné avec le fonctionnement du marché cinématographique, a dicté un nouveau manifeste (à l’occasion du lancement d’un livre qu’il a écrit sur le sujet) pour les créateurs et grande compagnies de cinéma devant affronter les réalités nouvelles des nouveaux medias numériques.

Il lance des idées qui devraient être tout à fait éclairantes pour la multitude de réalisateurs voulant percer le marché, le plus souvent seuls devant leurs ordinateurs. Une des idées fortes est de considérer des facette de l’existence d’un film que la majorité oublient : il faut penser dès les tout débuts de la création et de sa préparation à la manière dont le film prévu pourra être distribué, diffusé, mis en marché et surtout, comment il arrivera a rejoindre le public auquel il est destiné. Ce côté, la bête noire de bien des jeunes créateurs soifs d’indépendance, est souvent aussi important que la création elle-même. Reiss suggère de l’envisager pour ce qu’il peut être avec suffisamment d’imagination : un travail tout aussi créatif et un œuvre ayant autant de valeur artistique et en ajoutant au projet complet. Il insiste sur les possibilités de la participation du spectateur aux processus de création et de marketing ou bien de la régénération de la projection cinématographique comme événement précieux.

Il touche aussi à un point qui peut ne pas paraître évident pour tous : un film ne peut se faire, de A à Z, sans l’aide de plusieurs personnes. Il le mets en évidence en suggérant créer un poste, dès la préparation du film, pour la recherche de distribution et de marketing.

         In other words – embrace restrictions as a mother of invention and opportunity.  This is not the solution for everyone, or every film – but it is something to consider. – J.Reiss

Les contraintes de marché sont souvent un enfer pour les réalisateurs les plus chevronnés, et même pour ceux qui s’y avance en se soumettant aux méthodes traditionnelles. Pour Reiss, les créateurs autant que les grandes compagnies doivent faire face à une même crise. Les acteurs influents du marché cinématographique doivent s’adapter, ajoute-t-il, mais les réalisateurs ont aussi tout un chemin à faire. Il y a à son avis moyen d’utiliser et de détourner les contraintes du marché à l’avantage des plus inventifs.

         The artificial divide between art and commerce must be eliminated. – J. Reiss

Il faut par contre douter un peu de cette idée de division entre art et commerce. Le problème auquel font face les industries culturelles tient plutôt du fait contraire, c’est-à-dire que des formes d’arts qu’ils ont réussi à marchandiser à merveille auparavant (cinéma, musique, etc.) sont maintenant accessibles gratuitement – et illégalement – et avec de nouveaux avantages (mobilité, immédiateté, etc.) grâce aux nouveaux medias. Évidemment, il est possible de forcer les mécanisme de ce marché pour s’y trouver une place, mais il se pourrait tout de même, dans un monde où la manière d’approcher les médias de toutes formes est des plus sensible au changement drastiques, que la valorisation de l’art, sa mise en marché, ne soit pas la solution à venir. 

Jon Reiss croit dur comme fer à sa vision des chose: ce manifeste ressemble d'ailleurs étrangement à une technique de marketing pour son bouquin abordant le nouvel état des choses. Il applique à la lettre. Tout se vend, quand on s'y met.

Voici les 10 affirmations générales émises par Reiss dans son manifeste. Elles sont chacune largement détaillées et je vous conseille d’aller le lire en entier, c'est inspirant. Quelques passages de ce manifeste sont cités sous les affirmations.

 

1. KNOW YOUR FILM/KNOW YOURSELF 
EVERY FILM IS DIFFERENT AND SHOULD BE TREATED AS SUCH 

2. CHANGE YOUR ATTITUDE TOWARD MARKETING 
 

3. DETERMINE YOUR AUDIENCES AND HOW TO REACH THEM FROM INCEPTION


4. WHEN YOU HAVE FINISHED YOUR FILM, YOU ARE HALF DONE
 

5. WE MUST TAKE BACK THE THEATRICAL EXPERIENCE AND REDEFINE IT AS LIVE EVENT/ THEATRICAL
 

6.  CREATE PRODUCTS PEOPLE WANT TO BUY
 

7. DIGITAL RIGHTS ARE A MINEFIELD – BE CAREFUL 

8. ENTERTAINMENT COMPANIES MUST MOVE BEYOND OLD WAYS OF DOING BUSINESS
 

9. EXPLORE NEW WAYS TO TELL STORIES 

10. WE MUST SUPPORT EACH OTHER AS A COMMUNITY


 Article complet de indieWIRE rapportant le manifeste de Jon Reiss

This classification of theatrical markets wasn’t always the case. In the earliest days of motion picture films, screenings occurred in a variety of spaces: storefronts, tents, public parks, churches. Films often toured with vaudeville acts or circuses or on their own. 

It is time for filmmakers to reclaim the meaning of a theatrical release so that it is inclusive of a multitude of live-screening event scenarios.  

Festivals should open up their communities of audiences for new ways of collaboration with filmmakers seeking to engage with those audiences.  

We must embrace new forms beyond the short and the feature and recognize that a film can be one part of a larger narrative universe that can be explored in a variety of mediums. 

Article complet de indieWIRE rapportant le manifeste de Jon Reiss

11.14.2009

Les herbes folles . Alain Resnais


Mais d’où viennent ces herbes folles se faufilant en touffes entre les fissures des pavés? Pourquoi là et pas dans un pré? C’est cette même douce aberration qui nous prend face à l’histoire de Georges Palet, histoire qui naît lorsqu’il trouve, par hasard, le portefeuille ayant été dérobé à Marguerite Muir à sa sortie d’une boutique de chaussures. Histoire qui s’enracine, tenace mais incongrue, avec l’insistance irrationnelle qui pousse – et repousse – l’un et l’autre à se retrouver.

L’origine de leur rapport est due au hasard et pourtant les deux personnages semblent le vivre comme un appel du destin. Mais cet appel est constamment contrarié. Palet ne peut s’empêcher de la plus grande rudesse, de la plus incompréhensible impertinence lorsqu’il se sent pris sur le fait de la désirer. Muir n’est jamais là : c’est par son répondeur, sa boîte aux lettre, sa voisine ou son amie qu’il communique avec elle. Elle joue le rôle – hypocrite ? – de la sage amie lorsqu’elle comprend que Palet est marié. Autant d’obstacles qui ne découragent pas leurs instincts à transformer ce hasard en une chance, celle de la rencontre passionnelle de leurs destins.

Les personnages du film de Resnais ont cette certitude inconsciente que les être humains sont munis d’un destin flamboyant, comme au cinéma. Aussi, quand Palet trouve un portefeuille égaré, une trame sonore tendue, propre au suspense cinématographique, se fait entendre et laisse envisager une suite à venir de péripéties et revirements époustouflants. Il ne s’agira pourtant que d’un événement commun, pas quotidien mais tout de même pas si étonnant, qui se réglera en toute honnêteté, sans surprises. Il annonce un destin qui n’est pas aussi impressionnant que celui des héros de cinéma mais tout aussi important et grave pour ce personnage.

L’histoire est banale, tout dépendant du point de vue : les mobiles des personnages sont si syncopés et éparpillés dans tous les sens, les façons elliptique et hirsute qu’ils ont d’occuper leur monde laissent tout le loisir, à ceux qui voudront s’y perdre, de leur inventer des passés et des futurs héroïques. Mais justement, l’intérêt est de sentir que la petite vie de ces personnages est vécue comme au cinéma, à la légère mais avec un tel sérieux, une telle propension au fatal destin. Et on y croit, au poids de leurs existences, comme à la nôtre, par extension. Et on entend toujours le musique de suspense en nous voyant, à vol d’avion, sortir du cinéma, à ce demander quel mystère nous attend, « … qu’est-ce que je vais faire cet après-midi? ».

11.13.2009

The Imaginarium of Dr. Parnassus . Terry Gilliam


Terry Gilliam est de retour avec sa foi au pouvoir de l’imagination dans son dernier long-métrage. Même fouillis habituel, il ne s’agit pas d’une révélation lumineuse mais plutôt d’un grand spectacle clair-obscur. Après avoir prouvé au diable que les histoires faisaient tourner le monde, le docteur Parnassus obtient la vie éternelle et doit alors vivre avec le poids de perpétuer ces histoires essentielles. Le diable lui lance sans arrêt des paris pour le contredire et il en vient à mettre sa fille en gage. Si Gilliam rapporte justement le pouvoir des histoires et de l’imagination au caractère sacrées qu’elles ont toujours eue pour l’homme – tout en évitant les traditions chrétiennes par un grand détour par une mythologie orientaliste – il reste que son propre film délaisse le soin de se raconter intelligiblement pour celui d’assurer un pur délire imaginatif.

Côté imagination : mission accomplie. Surtout pour ce qui est de l’utilisation des technologies de modélisation par ordinateur. L’univers du docteur Parnassus est très semblable à l’aventurier baron Munchausen que Gilliam a porté à l’écran il y plus de vingt ans : pur génie d’imagination pris pour le pire des charlatanismes. Les deux films se rejoignent aussi sur leur utilisation un peu décalée des effets spéciaux : si le baron évoluait dans des décors cartonnés grandioses mais bidons, le monde imaginaire du docteur est fait de modélisation numérique éclatée et tout aussi bidon. Peut-être le dernier film de Gilliam recevra le même accueil tiède que celui du baron Munchausen, pure aberration dans la décennie de l’explosion des effets spéciaux. Pourtant, l’Imaginarium se place parmis les films les plus inventifs en ce concerne l’utilisation des effets spéciaux numériques, aux côtés des deux derniers films de Tim Burton (Charlie and the Chocolate Factory et Sweeney Todd) entre autres.

Beaucoup pour les yeux, mais très peu pour une vision claire de ce nouveau cinéma numérique à venir. Trop peu pour y voir une solution donc. Le film de Gilliam reste dans un entre-deux, ne laisse qu’imaginer.

Le plus impressionnant effet spécial du film reste par contre la littérale ressuscitation de Heath Ledger : il apparaît pour la première fois à l’écran mort pendu – ne l’avait-on pas aussi laissé pendu à la fin de The Dark Knight ? – pour être réanimé par la troupe de saltimbanques du docteur Parnassus. Était-ce prévu par le réalisateur? Peu importe, l’effet d’outre-tombe est sidérant.

 

 

11.11.2009

Irène . Alain Cavalier


Alain Cavalier se pose en explorateur dans son dernier film. Explorateur de ses propres souvenirs de sa femme décédée lors d’un accident de voiture plus de 35 ans auparavant. Que ce soit par le biais de du journal qu’il a tenu les deux années avant le drame ou dans les lieux qu’ils ont habités ensemble, le film est un long processus de recherche de ce temps perdu, celui vécu comme celui qui n’a pu l’être. 

Alain Cavalier est un explorateur du processus de fabrication d’un film. Caméra vidéo à la main, il se présente seul aux spectateurs. Il chuchote le défilement de ses pensées, des passages de son journal, des descriptions des lieux qu’il nous fait visiter et les rapports d’événements du passé. Son film sur Irène, il en parle comme d’un autre film que celui auquel on assiste. Il se demande à plusieurs reprises s’il ne devrait pas le laisser tomber, changer d’angle d’approche. Nous assistons aussi à des révélations. L’enthousiasme est vivement ressenti lorsqu’ nous parle de sa naissance et de l’avortement d’Irène à l’aide d’une pastèque, un œuf et une pince de cuisine. C’est une libération plutôt qu’un réel ressentiment qui surgit finalement lorsqu’il trace les traits plus sombres du portrait de sa femme – il lit dans son journal : « Ne peut-elle pas simplement mourir? » – puisqu’ils se révèlent, autant pour le réalisateur que pour les spectateurs, être les traits les plus sensibles et les plus humains, les plus appréciables, de cette femme disparue. À trop vouloir s’en rappeler en bien, le personnage d’Irène devient intangible, inintelligible – infilmable, comme s’en rend compte Alain Cavalier – et sa disparition ne fait que devenir plus insoutenable. Et le plus cruel du souvenir d’un être disparu apparaît en même temps comme un soulagement : on ne voudrait pas se remémorer les côtés sombres du défunt, en garder un portrait intact, mais la perte est plus tolérable lorsqu’on les tient en compte. C’est ce portrait final, que ni lui ni le spectateur pouvait envisager au début de la projection, qui fini par faire d’Irène, sans l’ombre d’un doute maintenant, un film, un vrai.

Alain Cavalier est aussi explorateur de l’intimité comme fonction propre au cinéma. Il se rend aux confins des possibilités de cette forme d’art paradoxale : à la fois média de masse et œuvre en lien direct, unique et privilégié avec son spectateur. Son film est en danger tout au long de la projection, non seulement par ses propres tentations de tout abandonner mais surtout parce qu’il risque à tout moment de ne rester que des traces vidéographiques éparses telles une vidéo rapportant des vacances familiales. Ce genre de vidéo nécessite un commentaire du vidéaste, faisant le lien entre les images et avec les spectateurs. C’est précisément ce que fait Alain Cavalier en voix off, révélant un mécanisme somme toute propre à tout film : outre le fait de montrer en image, il faut aussi que le film se raconte au spectateur. Il se raconte normalement sans se dévoiler, en laissant au spectateur l’impression qu’il participe à la construction du film. C’est dans cette limite entre le dévoilement du boniment du réalisateur et l’espace laissé au spectateur pour participer à la construction du personnage d’Irène que ce situe tout le danger du film et l’agilité et la grâce d’Alain Cavalier.