8.04.2010

Inception - Christopher Nolan



Malgré les comparaisons faciles avec d’autres films de science-fiction (comme Existenz, entre autres), le film de Nolan a le grand mérite de l’originalité. Le récit, d’abord très simple – un homme doit en convaincre un autre de renoncer à une de ses convictions les plus profondes – est enrichi par la mise en place d’un cadre d’action inédit (oui) – le premier homme arrive à pénétrer dans l’esprit des autres par l’entremise de leurs rêves. Ce contexte narratif reste à être entièrement décrit, défini et délimité et c’est à la fois le point fort et le point faible de Inception.

Autant d’audace imaginative a donc un prix pouvant être gênant : la lourdeur des définitions de cet espace inexploré qu’est le rêve. Il ne faut pas se méprendre, Inception offre des scènes et des revirements ayant autant de cran que de grâce. Une scène de combat entre deux hommes, dans le couloir d’un hôtel, devant composer avec la gravité tournoyante du camion chahuté dans lequel ils rêvent leur lutte, est très captivante.
L’intrigue entourant la manière avec laquelle ils vont convaincre Robert Fisher Jr d’abandonner l’empire énergétique de son père mourant est d’ailleurs tout aussi géniale que touchante : il ne vont pas simplement tenter de lui implanter l’idée propre de dilapider le travail gigantesque de son père mais plutôt lui suggérer que c’est ce que sont père aurait voulu qu’il fasse.
Ce qui chicote, c’est qu’on nous laisse trop souvent deviner ce qu’il y a de génial à cette conception des rêves, sans aller aussi loin que c’eut été possible, sans prendre le temps le montrer, c’est-à-dire, sans utiliser le médium cinéma – de manière classique ou numérique.
La section la plus intéressante au niveau de la construction narrative est à cet effet tombée à plat. Sans entrer dans les détails, cette section se déroule en quatre niveaux de rêves superposés, permettant l’élaboration pour Nolan d’un montage parallèle de quatre espaces-temps différents, mais dépendants l’un de l’autre de par les propriétés des rêves élaborées dans le film. Il s’agit d’une occasion en or pour développer sur les possibilités narratives, philosophiques et esthétiques de cette contorsion spatio-temporelle. Si certaines scènes fortes en ressortent (la lutte dans le couloir d’hôtel), on arrive à un point de saturation. On assiste au déroulement des quatre niveaux de rêves simultanément sans qu’ils participent vraiment, par les effets de leur interdépendance, à la suite du récit. Tout le monde se tire dessus, tout s’écroule ou explose, en boucle, jusqu’à ce qu’on arrive à dénouer l’ultime intrigue.
Que ce soit une question de limite de temps – le film dure 2h30 – ou de réelle volonté, le réalisateur a préféré mettre l’emphase sur les mécanismes même qui permettent au spectateur de penser le film, de faire des liens, de projeter les actions à venir des personnages, de les vérifier avec ce qui se déroule à l’écran et de lancer de nouvelles projections narratives, et ainsi de suite jusqu’au générique – et un peu plus. C’est aussi le même mécanisme qui gère l’univers des rêves de Inception. Le personnage de DiCaprio en fait d’ailleurs un schéma très simple – justement parce qu’il est à la base du processus de compréhension humaine – et qu’on peu comparer au cercle heuristique décrit par Bernard Perron.

[De la sorte, le spectateur prend entièrement part à la partie-jeu filmique parce que le système de règles du cinéma s’apparente à un cercle heuristique. » (Perron 1997, p.222)]

Nolan met tellement d’emphase sur ce processus percepto-cognitif qu’il précipite tous les débouchés narratifs, philosophiques et esthétiques originaux et réduit son film à un casse-tête époustouflant mais peu satisfaisant.
L’intérêt du spectateur se voit contraint à vérifier que tous les éléments du puzzle concordent. À cet effet, Nolan fait une démonstration de maître. Il avait déjà livré une tentative semblable – décevante – avec The Prestige. Mais encore une fois, il n’en reste que trop peu à la sortie de la salle. Les spectateurs en sortant de la salle étaient beaucoup plus préoccupés – et on ne leur fait pas de reproches – à s’assurer de l’absence de failles dans la trame narrative que de s’émerveiller – ou même de méditer – devant les possibilités fuyantes – presque absentes, en bout de ligne – de la conception de Nolan des mécanismes de la pensée et des rêves humains.



7.14.2010

Porky's Review / Internet Archive


Trouvé à l'aide du projet d'archivage de Rick Prelinger, Internet Archive.

On retrouve, dans une section concernant les droits d'auteurs liés aux documents faisant partie des Prelinger Archives, ces quelques lignes rafraîchissantes:

"You are warmly encouraged to download, use and reproduce these films in whole or in part, in any medium or market throughout the world. You are also warmly encouraged to share, exchange, redistribute, transfer and copy these films, and especially encouraged to do so for free. Any derivative works that you produce using these films are yours to perform, publish, reproduce, sell, or distribute in any way you wish without any limitations."

Si vous chercher dans tout le reste de l'Internet Archive, une indication de Creative Commons pourra déterminer les possibilités d'utilisation de ce document. Porky's Review, de Tex Avery, fait partie du domaine public.

À découvrir.

6.14.2010

Notes de projection – A Soldier’s prayer / 13.6.10

Je connais Claude R. Blouin de deux sources.

Il a présenté la projection, il y a un mois, d’un autre film de Kobayashi – Hymn to a Tired Man. Il paraissait d’abord surexcité par le film, le réalisateur et cette projection, au point de donner l’impression de perdre de vue la direction que prenait son allocution. Il s’avéra en bout de présentation qu’il avait tout prévu, même les détours, peut-être même les emportements critiques et émotifs, et qu’il était admirablement doué pour traiter de ce sujet.

Claude R. Blouin a aussi été un chargé de cours – cinéma japonais - à l’Université de Montréal, auquel a assisté D., professeur de cinéma au Collège Ahuntsic. Ce dernier racontait, à qui voulait bien l’entendre, à quel point ce cours avait été déterminant pour la perception qu’il a du septième art – lui qui ne jurait que par les films de kung-fu et de samurais à cette époque avait trouver quelqu’un pour lui en révéler les tangentes qui lui permettraient de découvrir diverses facettes de la cinématographie japonaise et d’autres cinémas.

Dimanche dernier, M. Blouin présentait A Soldier’s Prayer, toujours de Masaki Kobayashi. Sa présentation prenait un peu les allures d’un rapport de projection – ce qui s’expliquait par le cadre de la série dans laquelle était présenté le film : Flashback sur le Festival International de Film de Montréal. Le choix du film de Kobayashi, troisième opus d’une trilogie se voulant un œuvre entière et indivisible selon la volonté de son auteur – scission que certains ont critiqué – était plutôt lié à une projection montréalaise légendaire, lors du festival en question. Il nous fît alors, au fil de son discours, un résumé des deux films précédents ce dernier volet,: « … résumé que [] avait pris la peine, à l’époque, de faire devant le public, pour assurer le meilleure compréhension possible de chacun ». Mais l’intérêt principal de sa présentation est le récit qui suit, celui de la légende qui lia Kobayashi au public cinéphile de Montréal.

Blouin avait 16 ou 17 ans à l’époque d’une des premières projections hors du Japon de ce film de Kobayashi. Ce fût une séance nocturne. Le film d’un peu plus de trois heures débuta à minuit et se termina donc aux petites heures du matin. Le jeune homme n’eut pas la chance d’assister à cet événement, mais il en entendit parler, et en entend toujours parler aujourd’hui. C’est dire combien cette soirée de cinéma eu de l’effet, à travers le temps. Au grand malheur de Blouin, son jeune âge l’empêcha de sortir aussi tard. On lui raconta par contre quelle soirée ce fût! Pas un seul spectateur ne sortit de la salle et Kobayashi eu droit à l’ovation générale en fin de projection. Un article que Blouin n’avait jamais lu jusqu’à tout récemment – ce qui est tout à fait étonnant de la part de l’incroyable expert en la matière qu’il est devenu – détaillait le nombre des spectateurs à plus de 1500, nombre inusité pour l’heure tardive de l’événement. Le FIFM était à l’époque d’une importance capitale pour les cinéphiles québécois. Les différentes éditions de l’événement leur permettaient enfin de voir des films nouveaux, renouvelants les perspectives possibles sur le cinéma. Le but d’un tel festival était aussi, et surtout, de convaincre les distributeurs locaux de la viabilité d’une diffusion de films d’auteurs étrangers, au Québec. Cette projection de A Soldier’s Prayer ne manqua pas de convaincre. Blouin pu finalement voir ce film six mois plus tard, commercialement distribué à Montréal.

Au-delà de cette expérience nocturne, condition si chérie par les cinéphiles, c’est la sortie du théâtre qui causa le plus grand émoi, qui marqua le plus fortement les mémoires. Blouin lui-même semblait en avoir des frissons, devant les spectateurs de la Cinémathèque québécoise, lui qui n’y avait même pas été. Kobayashi lui-même en parla en tout premier lieu à Blouin lorsqu’il le rencontra une première fois lors d’une entrevue pour ses études sur son œuvre. Plus que l’accueil extraordinaire qu’il avait obtenu alors – lui qui avait mit jusqu’à se vie conjugale en péril pour mener à terme ce projet presque autobiographique -, c’est le moment où, en quittant le cinéma, il aperçu les rues de Montréal, qui l’a imprégné d’un profond attachement avec cette ville. Alors que tous venaient d’assister à la mort lente de Kaji, héro de la trilogie, affaissé, couvert de neige, les spectateurs sortirent sous une neige nouvelle, qui s’était mise à tomber durant la projection.

5.08.2010

À propos des Étoiles

Un éditorial de Sylvain Lavallée, publié sur le site web de la revue Séquences, émane, sous une critique des pratiques culturelles actuelles, cyniques et individualisées, d’une nostalgie appuyée de l’adoration mystique qu’ont porté, à une époque lointaine, déjà, les spectateurs pour les grandes stars du cinéma hollywoodien. Dans deux articles qu’il cite - ici et ici -, publiés dans le Guardian il y a deux ans, et dans son propre texte, il apparaît que le cinéma s’est trouvé à l’époque comme dernière incarnation de culte de masse, avant d’être à son tour recalé, limité à son rôle divertissant, à son usage privé, individuel.

“From the blurring of religious absolutes and the gradual unfolding of democracy, we came - with uncanny simultaneity - to the dawning of mass society. Once upon a time, gods and princes had taken the best of life and the limelight. But by about 1900, all over the world, enormous inchoate masses were looking for education, their right of opinion and speech, the vote - and a chance at happiness.”

“We do not like our stars - but we don't like ourselves so much. We may be far better off than our families were in 1950 or 1930 or 1900, but we do not trust the happiness on offer now. One reason for that is the bogusness in acting and the way it has reached down though the movies and television to affect all our behaviour. We are all actors now, very skilled with lying, pretending and putting on a sincere show. But that has cut us off from the unquestioned and natural integrity with which people and their feelings grew up in harmony. So stars get trashed and reviled in the press - but that is only a prediction of our self-loathing. You say stardom is dying, but perhaps it is our culture.” - David Thomson -

L’obsession, toute humaine, pour la vérité, et la prétention de son autorité suprême, n’arrive pas, de nos jours, à s’exprimer autrement qu’en opposition à ce qui ne paraît pas réel, ou qui prétendrait faussement être vrai. Mais ne serait-ce pas notre plus grand mensonge que de prétendre que le réel est totalement accessible et qu’il est possible d’en faire notre maître, notre sujet d’adoration? La manifestation consciente d’une invention de l’esprit est plus sincère que la prétention pour un réel concret.

"Il ne faut pas jouer des traits au cinéma, il faut en avoir, et les stars en ont amplement : elles sont des archétypes, elles interprètent toujours un personnage qui s’exprime naturellement de par leurs profils même, de par leurs yeux, leurs visages, leurs silhouettes, etc." - Sylvain Lavallée -

Le malaise face au cinéma, et face à ses stars, provient sûrement de son rapport trop ambigu au réel. Les images photographiques animées suggèrent avec force être une manifestation du réel, sans jamais en être une. Le cinéma est une des formes de représentations qui a permis d’atteindre un rapport des plus rapprochés avec le réel, devenant ainsi un médium illustrant et outillant le mieux l’usage quotidien et essentiel de l’illusion. Ce malaise donc, prend sans doute source d’une approche erronée du cinéma. Il ne s’agit pas d’une manifestation du réel mais bien d’une manifestation du fictionnel, de l’invention humaine, dans le réel. Qu’y a-t-il de plus réel et sincère qu’une star de cinéma – en gros plan, toujours le même cadre, le même éclairage, le même maquillage, la même expression – qui se met en scène consciemment et sans détour, devant la caméra et pour les spectateurs qui observeront son image sur le grand écran d’une salle obscure?

" Dans ce domaine de la culture, des temps lointains entraineront de nouveaux progrès dont on ne peut vraisemblablement pas se représenter l’ampleur, augmentant encore plus la ressemblance avec Dieu. Mais dans l’intérêt de notre investigation, nous n’oublierons pas non plus que l’homme d’aujourd’hui ne se sent pas heureux dans sa ressemblance avec Dieu. "

Sigmund Freud - Le malaise dans la culture

5.02.2010

le cinéma écrit - I

« Lorsque ces appareils seront livrés au public, lorsque tous pourront photographier les êtres qui leur sont chers non plus dans leur forme immobile mais dans leur mouvement, dans leur action, dans leurs gestes familiers, avec la parole au bout des lèvres, la mort cessera d’être absolue. »

dans La Poste du 30 décembre 1895 / « La mort cessera d’être absolue… »

tiré de/ Le cinéma: naissance d'un art, 1895-1920 . Daniel BANDA et José MOURE . Champs Flammarion


4.25.2010

Sur la critique

Nouvelle plateforme web, pour le magazine Panorama. Nouvelle initiative : un podcast. Premier sujet très intéressant : l’état de la critique. À écouter.

La définition de la fonction de la critique y reste toujours insaisissable. Marcel Jean arrive à relever un élément de définition concret. Il parle de la légitimité du cinéma qui se manifeste d’abord par le discours critique (le cinéma comme attraction de foire devient un art, les films d’Hitchcock et Hawk deviennent œuvres de grands auteurs). Un cinéma légitime, c’est un média qui se donne le droit d’exister au-delà de la salle obscure. Aussi, la critique, le commentaire réfléchi sur le cinéma, participe au cinéma, le fait, autant que le film se fait en images et en sons. Barthes écrivait, dans Système de la mode, que la mode - telle qu’il pouvait l’analyser sémiologiquement, et telle qu’il su ensuite qu’elle s’incarnait d’abord et vraiment - se retrouvait sous la forme écrite.

4.24.2010

Performance / Karl Lemieux, Radwan Ghazi Moumneh et Nadia Moss



Pendant quinze minutes, à l’intérieur et sur le rebord de la terrasse du Café-bar de la Cinémathèque québécoise, les gens ne savaient plus où donner de la tête. D’un côté ou de l’autre. Sur l’écran ou vers Karl Lemieux, manipulant trois projecteurs 16mm et de la pellicule, à l’arrière de la salle. C’est qu’en regardant la projection de ces images en noir et blanc – en voyant le cadre sursauter avec fulgurance, les différentes séquences se superposer et les bulles blanches gonfler et déformer les photogrammes – l’envie de comprendre ce qui se passe pousse à regarder du côté obscur de la salle.

Résultat : une danse de têtes tournantes, un ensemble de personne qui se trouve soudainement et consciemment submergé dans le cinéma. La musique de Radwan Ghazi Moumneh et Nadia Moss happe la peau, redouble les limites circonscrites par le dispositif projecteurs/écran. Ce n’est pas tant une nouvelle expérience qu’une révélation. Au moment même, des milliers de personnes vivaient le même effet submersif dans les bars sportifs de la ville. Rien à voir non plus avec la prise conscience. On a beau observer le projectionniste s’activer ou creuser dans l’image projetée et altérée, ce qui est mis en scène ne se rationalise pas mais se heurte à la présence des spectateurs, à leur rapport quotidien au monde. Les premiers spectateurs de cinématographe s’émerveillaient du feuillage agité des décors naturels, alors qu’ils pouvaient en observer à leur gré à tous les jours. Ce qui est révélé, mis en scène, c’est le dispositif commun qui nous permet de reconnaître ce qu’on appelle la réalité.

Les images choisies par Lemieux rappelaient d’ailleurs un thème populaire des films des premiers temps du cinéma : l’intervention des pompiers lors d’un incendie. La musique en salle ne manquait pas de renforcer l’idée d’une projection du début du siècle. Mais c’est le feu, qui s’attaque d’abord à une maison, et ensuite à la pellicule 16mm, qui permet une transcendance de la représentation vers une présence incarnée du sujet. Lemieux amplifie les qualités iconiques des images cinématographique : il ne s’agit pas simplement d’images du feu, il s’agit du feu lui-même.

Et la pellicule, après la projection, a toujours la même fonction mais a renouvelée sa peau. Elle porte toujours les traces de la présence du feu.

***

la Bande des 16 / pour suivre leur programmation.

4.16.2010

4.08.2010

Notes de projection – La donation / 8.3.10

« C’était lors d’une projection spéciale du Ciné-Club de Laval, à la Salle André Mathieu. On avait projeté le film La donation de Bernard Émond. Il était présent dans le hall, à l’extérieur de la salle, pour répondre aux questions des spectateurs à la fin du film. On avait installé une petite plateforme sur laquelle était posée une table nappée et deux chaises pliantes noires. Deux micros étaient soutenus sur pieds, au-dessus de la table. Un pour l’animateur, un pour l’invité.

Beaucoup de gens assistèrent à cette rencontre. Une bonne partie de l’assistance étaient des étudiants du collège qui devaient probablement tous avoir à remettre un travail à propos du film dans les jours qui allaient suivre *1*. Mais ils n’étaient absolument pas les seuls à s’interroger à propos du film.

Une femme, dans la quarantaine, levant la main, n’était pas certaine de comprendre ce qui tenait du don dans ce qui arrivait au personnage à l’écran. Dans toute sa perplexité, elle avait beaucoup apprécié le film, mais elle y voyait plutôt de la résignation. Il y était question d’une femme se voyant offrir de remplacer le docteur d’un village isolé de l’Abitibi. Émond lui expliqua simplement qu’il ne s’agissait pas du tout d’une défaite, lorsqu’elle décidait de rester. C’était plutôt un don d’une valeur inestimable. Une chance de s’accomplir personnellement. Il était clair que, pour lui, son film est une critique du désengagement de chacun au profit d’un individualisme néfaste.

Bien qu’il n’en soit pas question dans le récit, Émond utilise l’imagerie chrétienne pour la rappeler à l’esprit et réaffirmer importance de la religion dans la continuité de la collectivité québécoise depuis ses origines – outre la langue.

Un autre homme, dans la cinquantaine, se leva, au contraire de tous les autres intervenants. Il se frottait les mains l’une sur l’autre. D’un ton affirmé, il commença ainsi: Bonsoir M. Émond. D’abord, félicitation pour votre film. Il poursuivit rapidement en disant à peu près ceci : Vous parliez tout à l’heure de l’affirmation de la culture québécoise. Il en est évidemment question tout au long de votre film. Ne croyez-vous pas par contre vous contredire en utilisant le ton pieux qu’on y retrouve, ou en faisant allusion à la religion chrétienne? Madame parlait de résignation tout à l’heure. Il me semble en effet qu’il en soit question au bout du compte.

Je ne me souviens plus de la réponse de M. Émond. Tout ce dont je me rappelle, c’est la fébrilité de la voix de l’homme. Il était décidé à reprocher au réalisateur de vouloir raviver le contact de ses spectateurs de la culture religieuse québécoise. Mais il avait aussi utilisé tout le respect de quelqu’un qui admire son interlocuteur. Il ne faisait aucun doute pour moi que cet homme avait été profondément touché par ce film. Ses mains s’agitaient. Il sembla perdre l’équilibre un moment, quand M. Émond voulu répondre probablement. Sa voix se voulait ferme, mais elle doutait. Malgré toute ses convictions. »


[1] Une quinzaine de ces étudiants n’avaient d’ailleurs cessé de lancer des rires incongrus tout au long du film. Ceux qui ont vu le film doivent se demander ce qu’ils pouvaient bien trouver de si drôle. Il était question d’un boulanger, visiblement amoureux d’un personnage principal du film, lui offrant une baguette bien fraiche. Toutes les allusions au pain et à sa consommation qui ont suivies ont provoqué les ricanements des étudiants. J’avais compris qu’ils voyaient dans ces répliques des analogies avec l’expression : « Mange mon pain » qui, dans la culture adolescente contemporaine, signifie quelque chose comme : « Suces-moi ». Je n’ai rien contre les réactions spontanées durant une projection, qu’elles soient convenues et partagées ou non, mais leurs rires créaient malaise dans la salle. J’ai de la difficulté à en expliquer l’origine réelle.

3.22.2010

Shutter Island - Martin Scorsese

Vibrant voyage dans les encombres de la fiction et du mensonge – mais surtout de la recherche de vérité – le dernier film de Scorsese est une attraction avant tout. Le maître américain se frotte aux effets spéciaux numériques d’une manière tout à fait originale. Il les approche dans toute leur facticité – ce qui est inusité pour une superproduction – et rappelle, à sa manière, à quel point rien au cinéma n’est tant transformé par ces nouvelles technologies. Les écrans verts remplacent les découvertes. Tout ce factice appuyé permet un recul du spectateur face au dispositif cinématographique, sans pourtant qu’il cesse d’y croire. En fin de conte, le spectateur est un peu embêté de s’être fait avoir aussi facilement – tant d’indices! tous ces faux raccords discrets ! – mais tout de même, quel casse-tête captivant ce fût!

Sur une autre facette, Shutter Island se termine sur une conclusion ambiguë. Teddy Daniels préfère être exécuté pour ne pas vouloir démordre du mensonge qui le condamne – mensonge qui lui permet de mourir en tant que victime héroïque d'injustice – plutôt que de rester vivant et supporter le poids de son crime, toute l’horreur de la réalité. Dans le contexte historique du film, l’après deuxième guerre mondiale, cette conclusion peut prendre une ampleur terrifiante. Il est d’ailleurs question du dégoût de la bombe, de l’Holocauste juif et de toutes les horreurs de la guerre, dans les délires de Teddy. Le rejet final de la réalité se pose-t-il comme une analogie au rapport des hommes aux crimes dont ils ont été responsables durant la guerre 39-45? Ce propos n’est pas du tout pointé par Scorsese. Il tient plutôt de la déduction. Il est du moins laissé au soin du spectateur de décider de ce que Teddy à raison ou non. Mais, comme dit plus haut, on a eu plus envie d’y croire que de dénoncer l’artifice. Troublant.

2.04.2010

Caspules 24 images - Denis Côté

Nouveauté sur le 24 images en ligne, Hélène Faradji annonce dans son éditorial l'apparition de capsules vidéos. À voir.

La première capsule présente des images du tournage du prochain film de Denis Côté doublées sur bande-son d'une entrevue téléphonique, rappelant un peu son court-métrage kinoïte Tennessee, sans les propos cochons mais avec des réponses tout de même franches et sans fausse humilité. Ce n'est pas de l'audace, c'est de la sincérité.

1.08.2010

Au milieu des décomptes

Au milieu des décomptes, il y a ce texte d’André Habib tout en humilité et en prétention, plus proche d’une vraie revue de l’année parce que justement ambigu et impressionniste. À lire : Réminiscences sur Horschamp – 

Solipsisme? Peut-être. Mais n'y a-t-il pas une réalité intangible pour laquelle nous sommes tous des engrenages: ces mots dits et écrits font le cinéma. Sinon, il ne s'agit que de faisceaux lumineux projetés sur un écran, dans une salle sombre, inhabitée.