11.14.2009

Les herbes folles . Alain Resnais


Mais d’où viennent ces herbes folles se faufilant en touffes entre les fissures des pavés? Pourquoi là et pas dans un pré? C’est cette même douce aberration qui nous prend face à l’histoire de Georges Palet, histoire qui naît lorsqu’il trouve, par hasard, le portefeuille ayant été dérobé à Marguerite Muir à sa sortie d’une boutique de chaussures. Histoire qui s’enracine, tenace mais incongrue, avec l’insistance irrationnelle qui pousse – et repousse – l’un et l’autre à se retrouver.

L’origine de leur rapport est due au hasard et pourtant les deux personnages semblent le vivre comme un appel du destin. Mais cet appel est constamment contrarié. Palet ne peut s’empêcher de la plus grande rudesse, de la plus incompréhensible impertinence lorsqu’il se sent pris sur le fait de la désirer. Muir n’est jamais là : c’est par son répondeur, sa boîte aux lettre, sa voisine ou son amie qu’il communique avec elle. Elle joue le rôle – hypocrite ? – de la sage amie lorsqu’elle comprend que Palet est marié. Autant d’obstacles qui ne découragent pas leurs instincts à transformer ce hasard en une chance, celle de la rencontre passionnelle de leurs destins.

Les personnages du film de Resnais ont cette certitude inconsciente que les être humains sont munis d’un destin flamboyant, comme au cinéma. Aussi, quand Palet trouve un portefeuille égaré, une trame sonore tendue, propre au suspense cinématographique, se fait entendre et laisse envisager une suite à venir de péripéties et revirements époustouflants. Il ne s’agira pourtant que d’un événement commun, pas quotidien mais tout de même pas si étonnant, qui se réglera en toute honnêteté, sans surprises. Il annonce un destin qui n’est pas aussi impressionnant que celui des héros de cinéma mais tout aussi important et grave pour ce personnage.

L’histoire est banale, tout dépendant du point de vue : les mobiles des personnages sont si syncopés et éparpillés dans tous les sens, les façons elliptique et hirsute qu’ils ont d’occuper leur monde laissent tout le loisir, à ceux qui voudront s’y perdre, de leur inventer des passés et des futurs héroïques. Mais justement, l’intérêt est de sentir que la petite vie de ces personnages est vécue comme au cinéma, à la légère mais avec un tel sérieux, une telle propension au fatal destin. Et on y croit, au poids de leurs existences, comme à la nôtre, par extension. Et on entend toujours le musique de suspense en nous voyant, à vol d’avion, sortir du cinéma, à ce demander quel mystère nous attend, « … qu’est-ce que je vais faire cet après-midi? ».

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