4.24.2010

Performance / Karl Lemieux, Radwan Ghazi Moumneh et Nadia Moss



Pendant quinze minutes, à l’intérieur et sur le rebord de la terrasse du Café-bar de la Cinémathèque québécoise, les gens ne savaient plus où donner de la tête. D’un côté ou de l’autre. Sur l’écran ou vers Karl Lemieux, manipulant trois projecteurs 16mm et de la pellicule, à l’arrière de la salle. C’est qu’en regardant la projection de ces images en noir et blanc – en voyant le cadre sursauter avec fulgurance, les différentes séquences se superposer et les bulles blanches gonfler et déformer les photogrammes – l’envie de comprendre ce qui se passe pousse à regarder du côté obscur de la salle.

Résultat : une danse de têtes tournantes, un ensemble de personne qui se trouve soudainement et consciemment submergé dans le cinéma. La musique de Radwan Ghazi Moumneh et Nadia Moss happe la peau, redouble les limites circonscrites par le dispositif projecteurs/écran. Ce n’est pas tant une nouvelle expérience qu’une révélation. Au moment même, des milliers de personnes vivaient le même effet submersif dans les bars sportifs de la ville. Rien à voir non plus avec la prise conscience. On a beau observer le projectionniste s’activer ou creuser dans l’image projetée et altérée, ce qui est mis en scène ne se rationalise pas mais se heurte à la présence des spectateurs, à leur rapport quotidien au monde. Les premiers spectateurs de cinématographe s’émerveillaient du feuillage agité des décors naturels, alors qu’ils pouvaient en observer à leur gré à tous les jours. Ce qui est révélé, mis en scène, c’est le dispositif commun qui nous permet de reconnaître ce qu’on appelle la réalité.

Les images choisies par Lemieux rappelaient d’ailleurs un thème populaire des films des premiers temps du cinéma : l’intervention des pompiers lors d’un incendie. La musique en salle ne manquait pas de renforcer l’idée d’une projection du début du siècle. Mais c’est le feu, qui s’attaque d’abord à une maison, et ensuite à la pellicule 16mm, qui permet une transcendance de la représentation vers une présence incarnée du sujet. Lemieux amplifie les qualités iconiques des images cinématographique : il ne s’agit pas simplement d’images du feu, il s’agit du feu lui-même.

Et la pellicule, après la projection, a toujours la même fonction mais a renouvelée sa peau. Elle porte toujours les traces de la présence du feu.

***

la Bande des 16 / pour suivre leur programmation.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire