8.22.2009

Oeil pour oeil . Inglorious basterds . Quentin Tarantino

Les juifs prennent leur revanche et font un carnage dans leur croisade contre les méchants nazis. Ce ne sont pas des juifs normaux : ils sont américains (pour la plupart) et se proclament donc vengeurs justiciers. Ils sont menés avec conviction fervente par le Lieutenant Aldo Raine, un Bush Jr qui aurait pris en grippe les nazis plutôt que les terroristes et qui s’aurait fait parachuté en terrain ennemi, question d’établir lui-même toute la légitimité d’une furie meurtrière au nom de la vengeance des juifs. Leur entreprise est des plus barbares qu’on puisse imaginer. Il est déjà difficile de concevoir toute l’ampleur de l’horreur de l’Holocauste, il est d’autant plus inconcevable qu’une riposte adoptant le même systématisme exterminateur et aveugle puisse être simplement envisagé. Pourtant, Tarantino l’a fait. Une riposte sérieuse semble d’ailleurs toujours inconcevable en sortant d’une projection de son dernier film. Tous les personnages, sans exception, finissent aussi idiots les uns que les autres, qu’il s’agisse des basterds et leurs visages figés de plaisir vengeur en défigurant Hitler aux tirs de mitraillette, de Shoshana et son rire débile lorsque son image est projetée sur l’écran de son cinéma, du Führer et de ses hauts dirigeants qui tentent comme des poules sans têtes de fuir le cinéma en flammes, du Lieutenant Raine qui déclare bêtement avoir accompli son chef-d’œuvre en gravant la croix gammée au front du Colonel Landa ou de ce dernier si fier de trahir sa nation, de se faufiler en héro dans le camp adverse et ce, sans remords quant à sa responsabilités pour d’innombrables morts de juifs.

Ce n’est donc qu’au prix d’une horreur égale que le monde peut répondre à celles perpétrées durant la Deuxième Guerre Mondial. Il n’y a plus d’espoir ou de désespoir d’une reconsidération de l’Homme face à ce qu’il peut accomplir de pire mais plutôt une acceptation aveugle de ses pulsions haineuses. Le ridicule qui empreigne le film entier permet par contre de remet ce constat pessimiste en question. Comme pour Kill Bill, qui illustrait dans toute son ambiguïté l’entremêlement des approches constituantes des identités féminines contemporaines, Tarantino représente un monde équivoque qui ne s’entend pas sur une manière de comprendre les horreurs qui ont eu lieu durant cette guerre. Ce monde se partage donc entre des tendances aux accusations simples (incarnées par les inglorious basterds), le ressentiment face aux atrocités perpétrées contre les victimes (véhiculé par Shosanna Dreyfus) ou même la simple acceptation des faits (représenté par le Colonel Landa). Ce qui diffère de Kill Bill par contre est le fait que le point commun où s’incarnait l’ambiguïté véhiculée par le diptyque se retrouvait personnifié par Béatrix Kiddo, déchirée entre les désirs maternels, amoureux et d’autodétermination, alors que dans Inglorious basterds ce même point focal d’ambiguïté est absent du film. Il se déplace dans la salle, sur les spectateurs. Tout le poids de la reconnaissance des ambiguïtés qu’illustre le film repose sur chacun assistant aux projections. Tarantino ne fait donc qu’élaborer cette vision qu’il a eu d’une vengeance œil pour œil sans la justifier ou la condamner. Comme il l’a été pour Kill Bill, il ne semble être qu’un accumulateur des opinions populaires reflétant l’état des choses actuelles. Que Tarantino y soit consciemment responsable ou non, Inglorious basterds met à jour la réalité frustrante du peu d’évolution de l’Homme depuis les atrocités dont il s’est découvert capable durant la Deuxième Guerre Mondiale. À tout et chacun de décider si ça le remue.

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