La vingtaine de spectateurs de la petite salle de cinéma se retrouvent en cabine de train, en compagnie des autres passagers qui se font poinçonner leurs billets par le contrôleur. Patience. Un homme va nous dévoiler, par l’entremise d’une confession à l’inconnue qui le voisine sur les sièges du train, une histoire qui lui pèse lourdement sur le cœur et qui nous permettra de rencontrer des temps immémoriaux.
Le temps et les lieux sont docilement plastiques aux mains d’Oliveira, mais ils ne sont jamais tordus contre leur nature profonde. Ainsi, une chambre restreinte possède une fenêtre fantôme, un lit qui bouge seul et une porte qui change de mur. Le jour s’impose en un clin d’œil, après qu’on ait pu apprécier la nuit quelques secondes. Une histoire datant de la fin du 19e peut se déroulée en même temps aujourd’hui même, il y a cinquante ans et jamais. Jamais, comme un rêve bien ancré dans le réel, une vision de vérité inconsistante mais bien présente : le désir a bel et bien un obscur objet. Il ne faut pas pour autant s’en méfier : bien qu’il ne puisse pas être atteint, c’est sur le chemin de sa conquête que se gagne les plus grands accomplissements.
Le flottant sentiment anachronique qui soulève le film ne s’explique pas simplement par la vivacité actuelle d’une œuvre d’un jadis contemporain de Buñuel, Dreyer et Lang. Oliveira veut faire vivre une histoire bien simple qui reconstruit un mythe du désir, hors du temps mais bien réel. Pour y croire, le maître portugais l’a compris, il ne faut pas prétendre à reconstituer le monde dans sa réalité perceptible mais plutôt à manier temps et espace pour montrer un monde imperceptible et ce, dans la réalité d’une expérience de cinéma.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire